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Le Cercle d’Etudes Reyer* présente sa réflexion sur le pouvoir qui sape le souffle démocratique de la République dans nos communes.
 

Nous sommes face à deux observations fluctuantes qui, d'emblée, suggèrent la subtilité du problème observé.
- La notion DE pouvoir ;
- La notion DU pouvoir ;

En toute logique, nous relevons que le substantif NOTION exprime la connaissance élémentaire, intuitive et plutôt imprécise que l'on se fait d'une chose, et que le mot POUVOIR est à la fois un verbe et un « infinitif substantivé ».

Conjugué, le verbe est actif et confère à celui qui le met en oeuvre le dynamisme réalisateur.
Substantivé, il est auréolé d'ombre et de lumière et représente la puissance, l'emprise ou l'autorité, et la faculté d'agir sur quelqu'un ou quelque chose. Quoiqu'il en soit, c'est le pouvoir, dans son acceptation substantivée, qui sera le coeur de notre réflexion.

Le pouvoir est « la confrontation de l'homme avec lui-même et avec autrui et révèle l'idée qu'il se fait du monde et de la manière dont son projet s'y insère ».


Notre analyse expose la légitimité des pouvoirs, leurs déviations, leurs limites, et aux contre-pouvoirs. Discerner les rouages du pouvoir, et les utiliser à bonnes fins, est un devoir qui incombe à tout élu soucieux du devenir de ses semblables.


La nature du pouvoir : l'aspect individuel.
« Il y a pouvoir dans tout phénomène où se révèle la capacité d'un individu d'obtenir d'un autre un comportement qu'il n'adopterait pas spontanément ».

Tout individu, dès l'aube de son existence, construit des schémas, liés à l'héritage biologique et embryonnaire, et, aux premières expériences de la vie, elle-même soumise aux messages de plaisir ou de frustration, du permis et de l'interdit.

Ces premiers bagages s'enrichissent des valeurs véhiculées par la société où vit l'être en devenir et qui développera, avec plus ou moins d'acuité, son désir de pouvoir face à la non-satisfaction des désirs, la peur de l'abandon, la peur de la mort.

Celui qui cherche à être reconnu, donc honoré, celui qui éprouve un plaisir, supérieur à tout autre, en détenant un pouvoir reconnu comme « l'aphrodisiaque absolu », celui-ci correspond au profil type de l'homme qui se grise de pouvoir.

Principe de plaisir, défi à la mort : voici les mobiles fondamentaux de l'être qui cherche à jouir du pouvoir.

Tout pouvoir individuel a pour ressort l'action et requiert du prétendant des qualités essentielles comme l'intelligence, le sens des responsabilités, le savoir et le savoir-faire, l'esprit de décision, l'efficacité.

Un corollaire du pouvoir individuel, ainsi idéalisé, doit être évoqué.

Il s'agit de l'AUTORITE, de ce phénomène dont l'essence reste un mystère. L'autorité s'exerce de façon invisible, sans recourir à des moyens extérieurs. Celui qui la détient donne aux autres l'impression de participer au pouvoir et conquiert leur adhésion grâce à une supériorité de compétence, de séduction, de mérite, voire d'altruisme.


La nature du pouvoir : l'aspect social.
S'il est vrai que le pouvoir relève de l'individu, il faut essentiellement aborder le pouvoir en tant que phénomène social.

Sa nécessité. Le pouvoir, force structurante exerçant son activité dans le présent en fonction de l'avenir, est nécessaire à toute organisation sociale et repose sur un jeu de réciprocité entre l'individu et la collectivité.

Le pouvoir établit un ordre et une morale en assurant la cohésion du groupe et en réalisant le bien commun.

En retour, l'individu accepte d'être l'objet d'exercice de ce pouvoir, tout en engageant les forces constitutives de sa personne tant affectives qu'intellectuelles, pour la réalisation d'une action commune.

S'il arrive qu'il s'y refuse, le pouvoir entre en conflit avec la liberté de l'être. A la limite, le rejet de tout pouvoir par l'individu entrainerait l'anarchie ou son contraire :
« La liberté croit reconnaitre dans le pouvoir son ennemi de toujours. Cependant sans le pouvoir, il n'est de liberté que rêvée. Toute lutte qui se veut efficace, ici-bas, implique un recours à une forme de pouvoir. Le purisme qui, refusant tout pouvoir détruit les tissus sociaux, aboutit au résultat inverse : à l'état totalitaire ».

Ainsi le pouvoir se conçoit comme une nécessité sociale, pour endiguer les pires maux qui menacent une collectivité.

Son ambivalence. Le pouvoir, ainsi défini, n'est légitimé que par la valeur de ses finalités. Il se justifie s'il vise le bien commun et s'il se fonde sur des valeurs telles que justice, paix, respect, bien être de chacun.

Malheureusement, le ver est dans le fruit et « le pouvoir recèle l'ambivalence de ce qui est à la fois nécessaire et redoutable ».

En effet, au sein de tout pouvoir, il y a une relation fondamentale de dominant à dominer, qui repose sur le commandement. Et qui dit « commandement » dit « obéissance ».

Si le pouvoir se dégrade en force coercitive, à laquelle il faut se soumettre, il manifeste une violence et une volonté de puissance aux aspects ténébreux, qui réduisent l'individu à l'état d'exécutant brimé, si ce n'est d'esclave.

Cette ambivalence, inhérente au pouvoir, le fait apparaitre comme une force corruptrice.

Son exercice entraine, bien souvent, un changement de comportement. La spirale de la passion et les nécessités inflexibles du commandement se superposent.

Les moyens d'action, dont dispose le pouvoir, peuvent devenir des armes destructrices, autant psychiques que physiques, génératrices de solitude et d'angoisse, et non seulement- ô paradoxe- pour celui qui le subit - mais aussi pour celui qui l'exerce.

Tout théâtre de pouvoir s'illustre par des abus, liés à l’arbitraire, sévissant du haut en bas de l'échelle, à des degrés divers et parfois tragiques.

Le philosophe ALAIN conclura ce point de notre réflexion : « Les hommes savent bien que tout pouvoir abuse et abusera, et pourtant, on ne conçoit pas de société humaine sans pouvoir ».


Les formes du pouvoir
Les relations humaines et sociales se caractérisent, quasi-toutes, par la relation déséquilibrée de puissance et de dépendance, tant et si bien que nous voyons des manifestations du pouvoir dans tous les domaines de la vie privée et publique.

Le pouvoir de la cellule familiale, longtemps illustré par la puissance patriarcale ;

Le pouvoir de l'argent, souvent occulte, permettant de régner sur les choses, les êtres et les Etats ;

Le pouvoir du savoir, s'acharnant à percer les mystères de la matière, de la vie et de la mort ;

Le pouvoir des médias, recourant à la séduction de l'image et du langage ; Enfin, le pouvoir politique, si envahissant qu'à lui seul il illustre LE POUVOIR.

Le pouvoir politique, le plus protéiforme, s’est considérablement égaré au fil du temps. Néanmoins, quels que soient l'espace, le temps et les structures qui en découlent : théocratie, gérontocratie, oligarchie, aristocratie, monarchie, dictature, démocratie, nous devons retenir que le pouvoir a toujours servi de fondement à toute société humaine, inexorablement hiérarchisée.

De nos jours, pour empêcher les pouvoirs de se donner carrière, on leur oppose les contre-pouvoirs, véritables garde-fous, mais qui sont eux-mêmes des formes et des lieux d'exercice du pouvoir, tels les médias, les syndicats, les partis et l'opposition politiques, les minorités agissantes, voire les comités d'éthique.

Cependant, ces contre-pouvoirs font ils le poids ?
Sont-ils réellement autonomes ?

Quant à l’individu, il ne doit pas se dérober, mais lutter contre tout pouvoir usurpé, par la sauvegarde et le développement du sens critique et des connaissances : c'est son devoir civique.


Pouvoir et commune
Chaque commune se fonde sur une mosaïque de personnes, il va de soi que ce groupement humain offre un terrain d'élection au pouvoir.

Quoi d'étonnant alors, si notre étude s'achève par une analyse du pouvoir au Lavandou.

La réalité ne doit pas cacher les avatars de ce pouvoir qui ressemble alors cruellement à celui du monde clanique.

Les uns nourrissent le gout du pouvoir et des honneurs, les autres savourent une sensation de puissance dans l'obtention d’écharpes et de fonctions sans intérêt. Surgissent trop de conflits de personnes envenimés par une survalorisation des puissants par leur réussite sociale. Cependant une simple vigilance citoyenne saine et active permettrait d'éviter ces appétits déviants.

La fonction d’élu, selon les règles en vigueur, doit être perçue comme un devoir et une responsabilité, non comme un pouvoir dont on s'enorgueillit. Une hiérarchie tournante, à tous les niveaux, devrait assurer une constante remise en cause.

Le pouvoir d’un maire découle des électeurs souvent bernés par le discours et déçus par la méthode. Sa fonction devrait être surtout l'hommage d'hommes libres à un homme libre qui assume, pour eux et avec eux, l'ordre nécessaire à la liberté de chacun.

Ce pouvoir procède de la quête inlassable de celui qui accepte de se dépouiller de ses mauvaises ambitions pour construire, avec humilité et lucidité, sa liberté intérieure selon la formule stoïcienne de Sénèque : « Celui-là est le plus puissant, qui a tout pouvoir sur lui ».
Visionnez l'humilité du pouvoir un certain soir du 28 juin 2020 au Lavandou

Ainsi le pouvoir municipal commence par un exigeant pouvoir sur soi, qui refuse de céder à une dépendance confortable. Un élu ne peut s'enfermer dans sa tour d'ivoire avec la carte bleue de ses votants.

Aux représentants de nos communes, nous adressons ces questions :
- êtes-vous conscients d'exercer un pouvoir ?
- êtes-vous conscients de vos mobiles intimes ?
- si vous aviez entrepris cette analyse avant d'accéder au pouvoir, l'exerceriez-vous de la même façon ? 

 

*Cercle d’Etudes Reyer : groupe de réflexion composé de femmes et d’hommes libres de toute appartenance politique sur Bormes, la Londe, Le Lavandou, le Rayol.

Tag(s) : #Politique
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