Article rédigé pour Libération par Sibylle Vincendon
Alors que le Sénat a voté le principe d’un référendum sur le redécoupage des régions, passage en revue des différents blocages du projet de Valls.
Quel bazar… Le débat sur la loi de redécoupage des régions a démarré au Sénat (où le gouvernement n’a pas la majorité) avec le vote d’une «motion référendaire» visant à obtenir l’organisation d’un référendum sur la réforme territoriale… L’alliance entre la droite et une partie de la gauche procède depuis deux semaines à des tentatives de blocage systématiques. Elle a d’abord réussi à dessaisir la commission des lois, présidée par le PS Jean-Pierre Sueur, au profit d’une commission spéciale, emmenée par l’UMP Jean-Jacques Hyest. Commission qui a détricoté le découpage régional du gouvernement. Puis rejeté le résultat de ses propres travaux dans l’espoir de provoquer un coup de frein. La même union a ensuite tenté de supprimer le débat de l’ordre du jour du Sénat. Mais s’est fait renvoyer dans les cordes par le Conseil constitutionnel…
Pourquoi ce blocage ?
D’abord pour gagner du temps. Si le texte n’est pas voté en décembre, il sera impossible d’organiser les élections régionales et cantonales en 2015. Il faut en effet un an entre la modification d’une collectivité et un vote la concernant.
A ces raisons conjoncturelles, s’en ajoutent d’autres, plus profondes. Défenseur des collectivités, avec des membres élus par l’armada des élus locaux, le Sénat n’est guère enclin à accepter le grand chamboule-tout de la réforme. Pour autant, tous les sénateurs n’y sont pas réticents. L’ensemble du personnel politique se partage entre deux visions de la carte administrative. La première, fondée sur l’histoire, défend, en gros, le triptyque commune-département-nation. C’est le corpus idéologique de l’alliance des gaullistes, communistes et gauche radicale modèle sud-ouest. La seconde, en principe plus progressiste, s’appuie sur une articulation intercommunalités-régions-Europe. Les écologistes sont des défenseurs absolus de ce système et le PS en a fait sa doctrine. Même si, localement, certains socialistes défendent leur bastion.
Les réticences se fondent aussi sur des raisons plus rationnelles. Les adversaires de la suppression des départements rappellent qu’aucune autre structure ne pourrait les remplacer en milieu rural. Ils demandent en boucle qui va assurer la gestion des dépenses de solidarité, dont le RSA qui ne cesse de croître. Les évaluations des économies générées par leur suppression se situent dans une fourchette large (de 15 à 25 milliards d’euros).
Côté régions, la grande question tourne autour de la diminution de leur nombre, qui passerait de 22 à 14 et, par-là, du nombre de conseillers régionaux. Le gouvernement veut faire des régions les chefs de file du développement économique : mais suffit-il qu’elles soient plus grandes ? L’Association des régions de France plaide qu’elles y arriveraient mieux avec davantage de moyens qu’avec plus de superficie.
Quelles chances d’aboutir ?
Manuel Valls répète en boucle que "la réforme territoriale, c’est la mère des batailles". Pas de faiblesse : "Notre détermination est intacte et nous irons jusqu’au bout", a-t-il dit aux Echos mercredi. Sur BFM TV, le même jour, il assure que le calendrier est maintenu, «plus que jamais». La guérilla du Sénat l’exaspère, comme on a pu en juger, lorsqu’il a menacé les sénateurs de devoir siéger "en août s’il le faut". Lui, en revanche, ne cédera «à aucune menace». Sur la suppression des départements, "nous ne reculerons pas", ajoute-t-il. Les contestataires répondent sur le terrain. La semaine dernière, une manifestation pour une "Bretagne réunifiée" a vu défiler plusieurs milliers de personnes. Lire l’intégralité de l’article dans Libération
L'examen du premier texte au fond (nouveau découpage des régions) aura lieu le 9 juillet en commission, et du 15 au 17 juillet en séance publique à l'Assemblée. Le projet de réforme territoriale reviendra alors aussitôt en deuxième lecture au Sénat durant la quatrième semaine de juillet (vraisemblablement à partir du lundi 21) et non pas à l'automne, comme l'espéraient de nombreux sénateurs. Par un deuxième texte de loi, la date des élections régionales et départementales seraient maintenues en décembre 2015.