Coronavirus : que nous enseigne l’Histoire ?
Pour ma génération, cette épidémie mondiale est un événement encore jamais connu, jamais vécu. Pourtant, il apparaît que le monde en a déjà connu et pas seulement dans les siècles passés. Nul besoin de remonter à la peste, au choléra ou encore à la grippe espagnole de 1918. D’autres épidémies, ressemblant au Coronavirus ont frappé le monde en 1957 et en 1969.
En 1957, le monde connaît une pandémie nommée "grippe asiatique". Beaucoup reste couché presque sans possibilité de se lever pendant plus de 15 jours. Cette grippe fera 165.000 morts rien qu'en France et plus de 2 millions dans le monde.
En 1969, à nouveau venue d’Asie, la "grippe de Hong Kong" frappe le monde. Elle va faire 31.000 morts en France et 1 million dans le monde.
Le Journal Libération écrit à ce sujet : "On n'avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir".
L’hôpital Edouard-Herriot de Lyon témoigne : "Les gens arrivaient en brancard, dans un état catastrophique. Ils mouraient d'hémorragie pulmonaire, les lèvres cyanosées, tout gris. Il y en avait de tous les âges, 20, 30, 40 ans et plus. Ça a duré dix à quinze jours, et puis ça s'est calmé. Et étrangement, on a oublié"
Alors que l’hôpital fait face à une crise sanitaire majeure : afflux brutal de malades, impossibilité de les soigner, mortalité par dizaine de milliers, nul ou presque n’en parle dans les médias.
Alors que nous enseigne l’Histoire ?
D’abord et c’est une bonne nouvelle, que nos sociétés en ont "connu d’autres" et qu’elles se remettent de ces épidémies.
Ensuite, en 50 ans, les progrès techniques ont profondément modifié notre société. En 1969 encore la mort de millions d’individus semblait une fatalité alors qu’aujourd’hui elle nous paraît juste inacceptable. Nous attendons de la science qu’elle puisse nous protéger de toutes ces maladies, les vaincre voire peut être un jour vaincre la mort elle-même. En Europe ou en Amérique du Nord 100.000 morts nous paraissent un choc majeur et inadmissible alors que personne ou presque ne semble hélas s’offusquer que le paludisme puisse tuer chaque année un demi-million de personnes en Afrique...
L’Histoire nous enseigne encore que nos exigences vis à vis de l’Etat ont beaucoup changé. Nous sommes désormais, et c’est le prix de l’Etat providence, dans une société qui "attend tout de l’Etat". En 1969 personne n’attendait de Pompidou qu’il arrête la "grippe de Hong Kong" ou encore organise le confinement de la population pour sauver des vies.
Aujourd’hui le moindre accident est nécessairement de la responsabilité d’une autorité publique et si l’on n’arrive pas à un résultat immédiat et satisfaisant, c’est forcément que les élites ont failli.
Enfin, l’Histoire nous enseigne que la sphère médiatique a beaucoup changé et influence terriblement le traitement des événements. En 1969 les médias étaient encore pour beaucoup sous le contrôle de l’Etat. Comme on ne pouvait pas arrêter la maladie on n’en parlait quasiment pas. Et la vie continuait tant bien que mal.
A l’ère des chaînes d’info continue et des médias sociaux on ne parle plus que de la maladie, du traitement sanitaire, politique, économique. Tout devient très vite sujet à polémique et à scandale. Pire, on a l’impression que notre vision du monde se limite désormais à ce qui défile sur nos écrans. Ces voix venues du passé nous disent néanmoins:
- que les épidémies ont toujours existé et existeront probablement toujours car elles ne sont pas issues de complots de savants fous manipulés par des militaires dans des labos secrets, mais simplement des virus qui font partie de la Nature, au même titre que nous.
- que l’on pourra déployer toute la science et posséder les meilleurs gouvernements du Monde, il y aura toujours un événement naturel que nul n’avait prévu et que l’on ne pourra pas totalement éviter.
- qu’il faut toujours garder l’esprit positif car l’Humanité s’est toujours relevé de ces épidémies. La France s’en relèvera aussi et cela d’autant plus vite que nous saurons faire preuve de résilience et de fraternité dans l’épreuve.
Regarder le passé, c’est parfois prendre le recul nécessaire qui permet de mieux construire l’avenir.
Olivier Becht député
*Grippe espagnole (1918) France : 165.000 morts dont Var : 16.300 | Grippe asiatique (1957) France : 30.000 morts dont Var : 3.200 | Grippe de Hong Kong (1969) France : 31.000 morts, dont Var : 2.500 | Coronavirus France : 22.245, dont Var: 187 morts (au 24/04/2020)