Le silence est-elle une forme de liberté d’expression ? A quoi bon s'exprimer sans risquer de passer comme opposant à une "minoritaire-majorité" ou être l'équivalent "fiché S" par une collectivité ? Cette évidence peut paraître une provocation, voire un sacrilège à quelques points de vue.
Mais, comme l'écrivain Vercors* dans son oeuvre "Le silence de la mer ", qui mettait en parallèle le monologue de l'officier de l'armée d'occupation face du mutisme de ses hôtes forcés, on peut concevoir le silence comme une contrepartie pleine de réactions muettes, d'arguments profonds qui n'ont aucunement besoin de mots et de phrases émises.
Pour la plupart de nos semblables, le silence consiste au mutisme.
Faire silence c'est se taire. Mais "se taire" peut avoir plusieurs significations, surtout au Lavandou, paradis des bisounours !
- se taire par fierté, par mépris : ne pas se commettre avec l'autre, par suffisance.
- se taire par pudeur, par humilité ou par timidité : ne pas être ridicule aux yeux des autres. Un personnage de Montherlant affirme : "Tant de choses ne valent pas d'être dites. Et tant de gens ne valent pas que les autres choses leur soient dites. Cela fait beaucoup de silence ! " (Alvaro dans Le Maître de Santiago*).
- se taire par crainte de se tromper, de ne pas être compris : "S'il est incertain que la vérité que vous allez dire soit comprise, taisez-la " conseille Maeterlinck*
- se taire par doute sur sa propre expression : pauvreté de son vocabulaire, manque de souffle ou confusion dans les éléments d'une intervention.
- se taire par charité, pour ne point faire de la peine à l'autre à qui l'on fait la grâce d'une souffrance. "L'écoute entend l'autre dans son propre silence" a constaté Michel Random*.
- se taire par devoir, pour ne point trahir, à l'image de ces résistants en proie de leurs bourreaux.
- se taire par désespérance " Ils ont des yeux et ils ne voient pas, ils ont des oreilles et ils n'entendent pas " (Évangile de Matthieu)
- se taire par résignation comme le font les otages de tous les temps, objets d'un système autoritaire.
- se taire par un grand sentiment d’adoration, d’amour…
- ou encore se taire pour se concentrer, penser, réfléchir, créer.
Ainsi Alexandra David-Neel* nous exhorte : "Ne cours jamais te prodiguer au dehors avant de t'être donné audience à toi-même"
A vous, lavandourains, lavandouraines de choisir votre silence contre le bruit assourdissant d'une "minoritaire-majorité" qui restreint votre espace d'expression. Rejoignez ceux qui veulent un meilleur avenir pour le Lavandou qu'un dortoir à touristes.
En 2020, il a suffi de 153 voix pour plonger le Lavandou dans le silence des pantoufles jusqu'en... 2026 !
Pascal Docquenies
*Notes
Le Maître de Santiago : pièce de théâtre de Henry de Montherlant (romancier, essayiste, auteur dramatique et académicien) publiée en 1947.
Jean Bruller (1902 – 1991), alias Vercors pendant la Résistance, est un illustrateur et écrivain. Le Silence de la mer a été publiée clandestinement en 1942.
Maurice Maeterlinck (1862- 1949) : écrivain franco-belge, prix Nobel de littérature en 1911.
Michel Random (1933 - 2008) : écrivain, critique d'art, journaliste, cinéaste, photographe et conférencier.
Alexandra David-Néel (1868- 1969) : journaliste et anarchiste.