Les mairies adoptent l’I.A. dans le souci d’alléger le travail de leurs agents mais aussi de réduire leurs effectifs sans altérer le service public. A priori, peu couteuse, pas très compliquée à mettre en place, l’I.A. automatise les demandes, explore les bases documentaires, rédige des textes, discours, relances, traductions… et rend déjà de nombreux services dans les mairies où la logique de l’efficacité l’emporte sur le temps long de la formation et de la connaissance administrative, face aux départs à la retraite, les horaires des services, les confusions, interprétations, contradictions législatives et, depuis quelques temps baisses de dotations et transfert des compétences de l'Etat.
A Lille, Montpellier, Thiais... et des milliers de collectivités l’I.A. s’est adaptée aux besoins des agents territoriaux : rédaction de comptes-rendus, e-mails, corrections d’analyses, cartographie de territoires, recherches de délibérations publiques, fiscalité, interconnections aux bases de vidéosurveillance ou administratives.
Dans cette refonte du territoire par l’I.A. l’intercommunalité pourrait devenir la nouvelle centralisation des services aux usagers. Prémice d’une réduction du "mille-feuille" administratif soutenue par l’Etat qui touchera d'abord les petites communes promises à disparaitre.
L’I.A. conversationnelle au contact des usagers, supprime déjà les guichets de l’ancien temps où les jours et horaires d’ouverture sont bien plus contraignants que la démarche elle-même. Elle s’invite aussi dans les professions en manque de vocation ou en carence comme la médecine, le recrutement, l’international, le CRM, le SAV, l'apprentissage des langues, l'Education Nationale…
En contrepartie l’I.A. est aussi une perte progressive des libertés avec la reconnaissance faciale (Russie, Japon, Argentine…), le crédit social (Chine), les robots policiers dans les rues (Etats Unis, Singapour, Émirats arabes, Japon …), le contrôle mondial des flux financiers et toutes les conséquences dans notre vie pratique.
En France, malgré l’encadrement législatif, certaines villes font déjà appel aux algorithmes de surveillance (VSA) capables de retrouver n’importe quel fait et individu sur la voie publique sous l'angle sécuritaire. Avant l’heure, l’Administration fiscale a été la première à croiser par l’I.A les algorithmes dans la détection des fraudeurs via les réseaux sociaux, la géolocalisation, le commerce en ligne… pendant que la vidéo-verbalisation gagne du terrain dans nos villes.
Mais l’I.A. est encore en apprentissage et stocke, dans un premier temps, des milliards de données sur la planète avant, dans un second temps, de les trier. C’est donc l’accès à ces informations qui modèlera notre communauté de 8 milliards d'humains. Mais qui aura la clé de ce "big data" planétaire et pour quoi faire ?
Geoffrey Hinton*, lauréat du prix Nobel de physique par ses travaux sur l’I.A. en redoute les dérives possibles : "Nous n'avons jamais côtoyé quelque chose de plus intelligent que nous… je crains que la conséquence globale de tout cela ne soit des systèmes plus intelligents que nous, qui finissent par prendre le contrôle."
La turbulente histoire du monde - du minuscule village aux grandes nations - ne peut nous rassurer sur cette divination.
Cercle d'études Reyer
Héloïse AGOSTINI
*Geoffrey Everest Hinton, a été professeur à l’Université de Toronto, chercheur chez Google Brain, spécialiste de l'intelligence artificielle, de la psychologie cognitive, plus particulièrement des réseaux de neurones artificiels et vient de recevoir le Prix Nobel de physique.