Petite métaphore sur la vie d’une ruche ordinaire dans le Var.
Depuis quelques temps, la ruche était malade. Malgré les soins apportés par sa cour, et abondamment nourrie de gelée royale, la reine ne pondait rien. Par leurs stigmates, elles percevaient une mauvaise effluve et ne reconnaissaient plus les odeurs des membres de la ruche. Pire, elles détectaient celles des étrangers et des ennemis. Pourtant la reine, avec ses deux gros yeux sur les côtés de la tête composés de milliers de facettes et trois petits au sommet du crâne, les avait bien repéré. Mais elle préférait se la couler douce et poster à l’entrée de la ruche le correspondant de Var Matin, pour protéger la colonie de ses ennemis. D’autres gardiennes se relayaient de temps en temps devant les webcams de la ruche pour contrôler l’identité des abeilles qui entraient dans cet espace réservé, vérifiant leur odeur et s’assurant qu’il ne s’agit pas d’individus d’autres colonies venues piller leurs réserves, Mais le danger gagnait l’intérieur où les ouvrières ne s’activaient plus avec ardeur à la construction des rayons de la ruche, travail collectif qui demandait une grande coordination. Les ordres souvent devenaient contradictoires, parfois chimériques. La ventilation ne fonctionnant plus, le miel devenait infect à la survie de la colonie (d’où cette senteur nauséabonde constatée par la contrôleuse de qualité). De nombreuses alvéoles étaient occupées par des vieux amphitryons refusant de travailler parce qu’à la retraite. L’environnement se dégradait à grands pas par les mauvais choix de la reine (béton concédé aux taupes, palmiers livrés aux charançons rouges, plages érodées par les flots et les quads…). Tout semblait bien ralenti dans la ruche : nettoyeuses, nourrices, architectes, manutentionnaires, ventileuses, gardiennes ou butineuses étaient décontenancées par leur reine toute-puissante. Bien que celle-ci protestait par propagande, alléguant que des faux-bourdons puisaient dans les réserves de miel , et demandant leur expulsion de la ruche . Ne sachant pas se nourrir seuls, ils finiraient bien par trépasser et du coup la révolte se réglerait. Mais, l’été fut très chaud et réclamait beaucoup d’eau, trop chère. Or, les butineuses, ayant repéré une source d’eau chaude et une piscine, avaient effectué une danse électorale trompeuse, afin d'indiquer ces sources à leurs congénères. Elles ne furent jamais trouvées et la colonie décida de comploter contre la reine qui n’avait pris aucune mesure structurante depuis 18 ans. Elle avait le choix entre le varroa, les pesticides, les parasites. Finalement, elle confia l’ouvrage à une nouvelle espèce de frelon, le frelon asiatique (Vespa Valutina) Importé de Chine dans des poteries. Particulièrement agressif, surtout s’il était mensongèrement attaqué devant les tribunaux, le frelon se propagea à toute allure comme un épouvantable prédateur pour les abeilles dont il aimait se régaler. En épilogue, le destin de la reine ne fut qu'une question de temps. Au printemps suivant, la nature se réveilla à nouveau avec allégresse et la ruche reprit son essor sans regret sur sa décision effaçant les erreurs du passé...