Le pouvoir est une maladie mentale. On peut la diagnostiquer à divers stades, depuis les intoxiqués légers dont l'état peut empirer brusquement, jusqu'aux malades en phase terminale. La Fontaine disait : " Ils n'en mourraient pas tous, mais tous étaient atteints "...Jean-Pierre Friedman, Docteur en psychologie, psychanalyste, analyse avec Anne-Laure Gannac la psychologie du pouvoir dans son livre "Du pouvoir et des hommes"
Qu’y a-t-il de commun entre les hommes épris de pouvoir ?
…/…deux constantes reviennent.
La première concerne leur éducation. Presque tous ont vécu une relation quasi fusionnelle avec une mère hyper protectrice et gratifiante, et un rapport conflictuel (hostile, méprisant ou simplement distant) avec leur père. C’est dans ce cadre familial que ces hommes trouvent le moteur de leur course au pouvoir : de leur relation à la mère, ils tirent une confiance et une assurance qui gonflent leur narcissisme ; et de leur relation au père, une volonté mégalomaniaque de prouver de quoi ils sont capables.
La seconde constante tient au rapport que ces hommes ont avec le pouvoir : ils l’identifient à la vie. Il leur apparaît comme un gage d’éternité. C’est pour cela qu’ils veulent le garder à tout prix : ils ne peuvent accepter l’idée de leur mort ni que le monde peut leur survivre. C’est, par exemple, Mitterrand qui laissait se développer les ambitions d’un Fabius ou d’un Rocard, mais s’arrangeait finalement pour les "scier". En cela, ils agissent un peu comme des enfants qui sont persuadés que le monde leur obéit. La vision du pouvoir de ces hommes est avant tout une preuve d’immaturité.
Ces hommes de pouvoir sont-ils différents dans leur rapport aux femmes ?
Non. Et leur volonté d’acquérir toujours davantage de pouvoir n’a souvent d’égal que leur désir de conquérir toujours davantage de femmes. François Mitterrand, encore lui, était d’ailleurs doté d’une personnalité idéale pour être en mesure de répondre à ces deux besoins : celle du "stratège enveloppeur" qui mêle à la perfection la ruse et la séduction.
Comment expliquer que des candidats persévèrent dans leur quête de pouvoir alors qu’ils n’ont à l’évidence aucune chance de l’emporter ?
La mégalomanie et le narcissisme sont leurs traits dominants. La conquête du pouvoir en période électorale est donc une occasion extraordinaire de vivre leur narcissisme. Pendant quelques mois, on va parler d’eux !
Ils ne sont alors jamais mus par leurs convictions ?
Ils n’ont qu’une seule conviction : parvenir au pouvoir. Mais pour se donner bonne conscience, ils se choisissent des causes. Certes, il y en a qui, au départ, embrassent une cause parce qu’ils y croient et qu’elle correspond à des valeurs personnelles. Mais je suis persuadé que même dans ce cas, la dérive finit par être inévitable : au fur et à mesure que ces personnes progressent dans leur conquête du pouvoir, leurs convictions passent au second rang. Au final, ce n’est plus la cause qui compte, mais la victoire.
Peut-il exister un homme de pouvoir idéal ?
Le "bon" serait celui qui, par un processus de sublimation, aurait la volonté d’assouvir son narcissisme et sa mégalomanie pour le plus grand bien de l’humanité. Sauf que l’histoire montre que le pouvoir est redoutable et, qu’à de très rares exceptions près, il débouche forcément sur le désir d’en abuser. D’où la supériorité du régime démocratique, fondé sur le souci de limiter ce pouvoir.