Les médias ne tarissent d’éloge sur les chiffres du tourisme toujours à la hausse en France. Toutes les enquêtes démontrent que les français [et les étrangers] rêvent de vacances surtout dans le sud, mais que les séjours sont plus courts, achetés en dernière minute et bien souvent se terminent par des sandwiches sur la plage. Le manque d’argent n’est pas la seule excuse, la déception sur les services est également en cause. La France a cette particularité d’être attirante et de n’avoir aucune considération envers ceux qui lui apportent de l’emploi et des devises. Le personnel recruté à la va vite n’est pas formé, mal payé et parfois pas logé. L’anglais est approximatif et le comportement trop désinvolte. Sans regarder ce que l’on vous met dans l’assiette, la gastronomie est rarement au rendez-vous. Quant aux accès mieux vaut ne pas l’évoquer, ce n’est pas à l’ordre du jour. Pourtant les collectivités rivalisent d’initiatives désordonnées : pavillon bleu, village fleuri, ville internet, animation, pub internationale, sardinades, feux d’artifice, interventions médiatiques creuses… mais passent toutes à côté de l’essentiel: l’amélioration des services, la maitrise des prix, la coordination des actions avec leurs voisins. En gros : le marketing du produit. De plus, elles font toutes la même chose au même moment, se concentrant sur la haute saison, négligeant le reste de l’année financièrement trop incertain. Entre le pouvoir municipal et le commerce c’est souvent le divorce du calendrier, des budgets, des travaux mal appropriés, du bruit mal venu, du stationnement limité… Bref, le marketing produit qui consiste à concilier l’inconciliable n’a pas de mode d’emploi autre que l’écoute, la patience, la conviction, le rassemblement. Des vertus absentes du pouvoir local qui impose sa vision touristique au forceps fort de sa légitimité électorale. Pour le commerce c’est un diktat ; pour le vacancier une incompétence. De tous, le touriste est bien le seul qui peut décider du succès ou de l’échec d’une collectivité. Les autres acteurs sont captifs de son verdict. Dans le Var, rares sont les villes balnéaires qui réussissent toute l’année comme Saint-Tropez, Saint-Raphaël, Bandol... A bien les observer, leur succès ne repose pas que sur les plages mais aussi les congrès, expositions, festivals, évènements nautiques, vignobles… Avec un budget moindre, la stratégie de Bandol est bien plus performante que celle du Lavandou. Normal, absente des médias elle se concentre exclusivement sur une trame commerciale (commerces, bars, marchés, camelots, pêcheurs …) qui stimule à tour de rôle l’espace public. En été, chaque soirée se termine par un bal populaire, un chanteur, un feu d’artifice, une joute qui fixent les vacanciers dans les restaurants, les bars tard dans la nuit… L’office de tourisme de Bandol est aussi un modèle, par ses horaires, sa diversité d’offres, ses produits dérivés, soutenu par les relations publiques et les entreprises locales souvent concurrentes de l’OT. La mairie se limite à l’organisation de l’espace, du stationnement, la propreté et n’est pas trop affamée sur les taxes. Son port est le plus dynamique après Cannes et sa fréquentation est constante toute l’année. Cela, depuis des lustres quelle que soit sa couleur politique. Le petit plus : son casino. Le grand moins : le prix de l’immobilier trop élevé. Au Lavandou, ne reste que le prix de l’immobilier et heureusement encore ses 12 plages. L’animation est du niveau d’un village de vacances, le commerce n’est pas fédéré et un petit réseau de privilégiés, lié à l’Epic de tourisme, se partage le gâteau. La commune persiste à traiter le tourisme comme Disneyland, mais sans les manèges ni le marketing. Or, c’est sa seule source de revenus depuis 100 ans sans trop se fatiguer. Hélas la concurrence des communes voisines s’est organisée et les destinations lointaines sont moins chères qu’un séjour dans la Cité des Dauphins. Elle est aussi peu accessible par une route inadaptée, une circulation non maitrisée et un stationnement très mal conçu. Sa crise de croissance dans le béton n’en finit pas, alors que son territoire est très limité. Elle doit sa renommée par le travail des autres, tout en la revendiquant jalousement. Faute d’une politique claire, les professionnels sont opposés à tout fédéralisme, laissant libre cours à la fantaisie immature d’une collectivité piégée par son propre égo. Elle veut tout décider mais ne tient rien qu'une dette peu raisonnable et des chimères ressassées au gré des campagnes électorales. Et pour demain quelles solutions pour la commune ? Dépenser plus pour le tourisme, elle ne le peut; tourner le dos à la mer, elle ne le veut; inventer une nouvelle économie écolo, elle n’y croit; suspendre le temps, elle ne le sait… Faute d’une stratégie concertée, la voilà condamnée au piège du tourisme de masse. Celui des banlieues "sac à dos" qui transforme un peu plus chaque année ce petit coin de paradis... en enfer !
Var Matin 21-09-2012