Interview de Bernard Chassefière, Maître de conférence à l'Université de Nice, chargé de l'ensemble de la sédimentologie littorale,
Après avoir travaillé pour la Communauté européenne, à Nice, sur la baie des Anges, être longuement intervenu en Corse, à Moriani, où la cote a reculé de cent mètres en trente ans, à Giens, sur le Tombolo, sur l'isthme des Sablettes, à La Seyne, Bernard Chassefière continue de chercher des solutions pour ralentir un phénomène qui semble inéluctable, et se consacre plus particulièrement à la plage de Portissol, chez lui, à Sanary : « Si rien n'est fait contre le réchauffement climatique, en 2 100, le niveau de la mer se sera élevé de 30 à 40 cm, avec des pics de un mètre sur des zones fermées comme Fréjus ou Agay »
Le phénomène s'accélère-t-il vraiment ?
Oui, si on compare aux années 1960. A ce moment, le niveau de l'eau montait d'1,5 cm tous les dix ans, ce qui correspondait à un recul du sable de la plage de 2,5 m. Aujourd'hui, l'eau monte de 3 cm tous les dix ans...
Doit-on se résoudre à voir disparaître toutes nos plages ?
Peut-être pas, car il y a deux sortes de plages : les plages de criques, où l'on ne peut pas reculer et qu'il faut défendre, même si cela ressemble à une lutte à fonds perdus. Et les autres qui peuvent se déplacer en reculant...
Comment, en sommes-nous arrivés-là ?
Nos connaissances des facteurs influents de sédimentologie marine sont relativement neuves. On paye actuellement les pots cassés des années fastes, où on a aménagé le littoral en créant des routes de bord de mer, des parkings, des marinas... Aujourd'hui pour préserver la Promenade des Anglais, il faut la protéger artificiellement. De même, aux Sablettes, avant, il y avait une dune de trois ou quatre mètres qui remplissait son office. On l'a arasée, alors que ces dunes sont essentielles pour la protection des plages. Elles se comportent comme des éponges, en retenant l'eau et en la relâchant lentement. Mais on les a éliminées pour mieux voir la mer...
Comment peut-on lutter contre les éléments ?
Il y a différentes méthodes, toutes très coûteuses. La première, qui est encore préconisée, a été l'enrochement. Mais cela tourne parfois à la catastrophe. Aujourd'hui, on met plutôt en œuvre des systèmes comme stabi-plage ou ecoplage. Avec stabi-plage, on remplace les rochers au large par des boudins de textile remplis de sable. Avec ecoplage, si le stock de sable le permet, on crée un drain sur la portion la plus arrière de la plage et on installe un système de pompage. Troisième solution, les murs d'eau mis au point pour réguler le plan d'eau à Barcelone à l'occasion des jeux Olympiques. Cela consiste à immerger une plaque métallique sous l'eau, de façon à écrêter les vagues. Cette solution a été envisagée pour la plage de Mar Vivo, à La Seyne, mais elle était trop coûteuse. En règle générale, les autorités sont conscientes des problèmes, mais quand on leur présente l'addition, elles préfèrent reculer plutôt que de sauter.
Une note d'espoir ?
Actuellement, on s'oriente vers la mise en place de récifs artificiels, une technique déjà éprouvée pour la reproduction de la faune. Après tout la nature fait bien ça avec les massifs coralliens...