Alors que nombre de nos élus ânonnent des discours lénifiants sur cet évènement – limités au seul tryptique républicain enseigné dans leur école communale - en voici l'histoire exacte.
Nous célébrons cette année les 234 ans de la Fête de la Fédération (14 juillet 1790), qui était le premier anniversaire de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, mais bien plus que cela encore !
Le 14 juillet devient fête Nationale en 1880 - il y a donc 144 ans aujourd'hui ! - sous cette chère et regrettée IIIème République. Après un oubli de près de 100 ans depuis la prise de la Bastille.
La toute jeune République (proclamée le 4 septembre 1870, ne le devient vraiment qu'après l'amendement Wallon de 1875...), se cherche des symboles. Là encore, comme souvent en cette période de notre Histoire Nationale, l'action des citoyens éclairés sera importante.
C'est Benjamin Raspail, député de la Seine pour la gauche républicaine (fils aîné de François-Vincent Raspail, candidat malheureux à la présidence de la République en 1848, qui dépose le 21 mai 1880 la loi faisant du 14 juillet la fête nationale.
Ce projet de loi, signé par 64 députés, sera adopté par l'Assemblée le 8 juin et par le Sénat le 29 juin. Elle sera promulguée le 6 juillet 1880.
Mais qu'est-ce qu'on commémore au juste ?
La loi a eu bien du mal à passer car nombre de députés ne souhaitaient pas commémorer la prise de la Bastille du 14 juillet 1789, épisode historique jugé trop violent.
Benjamin Raspail propose donc de commémorer... le 14 juillet 1790, jour de la Fête de la Fédération, 1er anniversaire de la prise de la Bastille.
Il faut savoir qu'à partir de la prise de la Bastille, dans tout le pays, des hommes se fédèrent pour défendre la liberté, à l'image de la Garde Nationale parisienne dirigée par le Marquis de La Fayette. Une garde est donc créée par département.
C'est La Fayette qui a d'ailleurs l'idée d'une grande fête populaire regroupant l'ensemble des fédérés autour du Roi et de la Constitution.
La décision officielle est prise en juin 1790 par l'Assemblée nationale. La fête se déroule donc en grande partie dans l'improvisation mais surtout dans une grande ferveur populaire.
Le 14 juillet 1790 ce sont 14.000 fédérés venus de province (chaque garde nationale a été chargée de choisir parmi ses membres 2 hommes sur 100), rangés par départements sous 83 bannières, qui partent de l'emplacement de la Bastille, empruntent les rues Saint-Antoine, Saint-Denis, Saint-Honoré et se rendent par le Cours-La-Reine par le pont de bateaux qui leur permet d'accéder au Champ de Mars.
Ils sont plus de 60.000 fédérés avec ceux de Paris qui les ont rejoints.
Plus de 400.000 parisiens assistent à la Fête.
C'est La Fayette qui le premier jure fidélité à la Constitution et au Roi. Louis XVI lui-même fait ensuite serment de respecter la Constitution.
Puis une grande Messe est célébrée par l'Evêque constitutionnel d'Autun, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.
Enfin le "Te Deum de la Fraternité" pour 3 voix, chœur d'hommes et orchestre d'harmonie (avec 1.000 choristes !), composé et dirigé François-Joseph Gossec est joué devant la foule.
Pour la première fois le drapeau de la jeune République américaine est déployé hors des Etats-Unis. Une délégation américaine menée par John Paul Jones (fondateur de la Marine Américaine) et par Thomas Paine (qui sera plus tard élu à la Convention) se joint au cortège des fédérés. Elle comprend également James Swan, Georges Howell, Benjamin Jarvis, Samuel Blackden, Joël Barlow, William Henry Vernon. Elle arrive au Champ de Mars avec son drapeau et est acclamée par la foule des patriotes.
La Fête de la Fédération sera un grand moment d'Union Nationale (peut-être même le seul…) et de ferveur citoyenne comme notre pays en a rarement connu.
C'est pourquoi en 1880, la jeune République veut retrouver autour de ses valeurs cet élan populaire et choisit de célébrer la Fête de la Fédération. Elle a d'ailleurs fait les choses en grand. Le ministre de l'Intérieur prescrit aux préfets de veiller à ce que cette journée "soit célébrée avec autant d'éclat que le comportent les ressources locales".
Un défilé militaire est organisé sur l'hippodrome de Longchamp devant 300.000 spectateurs, en présence du Président de la République Jules Grévy. Il s'agit de montrer le redressement de l'armée française après la défaite contre la Prusse en 1870.
Ce défilé militaire, toujours en vigueur aujourd'hui le 14 juillet, s'inspire aussi du défilé des gardes fédérés de 1790.
En 1880 on inaugure également le monument surmonté de la statue de la place de la République, et partout sont donnés concerts et feux d'artifices.
"La colonne de Juillet" qui surplombe la place de la Bastille, elle, ne se réfère pas au 14 juillet 1789. Elle porte le nom des victimes des journées révolutionnaire de juillet 1830, les « Trois glorieuses », journées au cours desquelles Charles X fut renversé au profit de Louis-Philippe 1er « roi des français », fils de Philippe-Egalité, cousin du Roi Louis XVI et régicide.
Nous nous rappelons aussi que le 14 juillet 1789 n’aurait certainement pas eu lieu si le Roi, après avoir convoqué les Etats-Généraux, n’avait pas, le 11 juillet 1789, renvoyé son ministre le plus populaire, Necker, tenu pour responsable du désordre qui règne à Paris.
La nouvelle du renvoi de Necker, dès qu’elle est connue dans la Capitale provoque une consternation générale.
On craignait – probablement à juste titre que - sans ce ministre, ce soit la banqueroute de l'état, la disette générale et peut être une dissolution de l'Assemblée.
C’est au Palais Royal, cœur de l’agitation, propriété de Philippe Duc d'Orléans - le futur Philippe-Egalité - cousin du Roi où la police ne pouvait évidemment pas pénétrer, que des orateurs agitaient le peuple par des harangues enflammées.
Parmi eux Camille Desmoulins, proche de Mirabeau, debout sur une table (ou sur une chaise...), devant le café de Foy, appelle les Parisiens à l'insurrection " Aux armes, ... M. Necker est renvoyé : ce renvoi est le tocsin d'une St Barthélemy des patriotes ... courrons aux armes ! Prenons tous des cocardes vertes, couleur de l'espérance ..."
Le mouvement est lancé… il ne s’arrêtera plus…
Cercle d’études Reyer
Remerciements à Jean-Laurent T.