Comment détourner 5 milliards € à l’insu de son employeur ? L’affaire Kerviel n’est pas la meilleure image pour les banques dont la morale est à géométrie variable. Après avoir passé la nuit au commissariat de Menton, Jérôme Kerviel, à la limite fuyard, a été emprisonné le 19 mai à la maison d'arrêt de Nice. Ouf ! La Justice française est sauvée ! Au Front de gauche, "tous, on soutient" Jérôme Kerviel, a déclaré Jean-Luc Mélenchon. "Parce qu'on pense qu'il est innocent. A gauche, on est comme ça, depuis l'Affaire Dreyfus. Dreyfus n'était pas des nôtres et on l'a soutenu, a-t-il poursuivi. C'est un brave mec, qui arrive de sa campagne profonde, qui s'est brûlé au soleil."
De son côté, le ministre des Finances estime, que Jérôme Kerviel était "un escroc qui a été condamné" et "doit bien entendu purger sa peine"..."si on regarde les choses en face monsieur Kerviel est un délinquant et un délinquant condamné par la justice française pénalement". Pourtant Bercy a bien protégé les auteurs des vols de fichiers clients chez UBS (1983) ou HSBC (2009). Les français ont l’habitude de ces simulacres de moralité publique depuis le naufrage du Crédit Lyonnais (7 milliards €, soit 64,50 € par contribuable) ou Dexia (12 milliards €). On peut aussi se poser des questions sur notre système fiscal lorsque ce ministère affiche des milliards € récupérés sur 15.813 dossiers d’évadés fiscaux de retour à la maison, la corde au cou. Concernant le "profil" de ces repentis, les trois-quarts (76%) ont hérité ou obtenu par donation les comptes bancaires dissimulés. Et d’ailleurs d’où sort l’argent dilapidé par Kerviel ? Que l’on ne s’y trompe pas en contrepartie de leur immunité, les banquiers, les établissements de crédits, les notaires, les bijoutiers ou vendeurs de voitures sont devenus des auxiliaires de Bercy, prêts à vous balancer, contre une prime, à Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins ) au moindre mouvements suspects ou paiements en cash anodins. Stupéfiant ce commentaire d’un banquier "un conseiller qui ne signale pas des opérations anormales peut être considéré comme complice". Et alors 5 milliards € envolés d’un seul clic s'appellent "ce n’est pas de ma faute" ? Pour la morale, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le 19 mars, le pourvoi de Jérôme Kerviel concernant le jugement de l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui l'a condamné, en octobre 2012, à une peine de cinq ans d'emprisonnement, dont trois ans ferme pour abus de confiance, manipulations informatiques, faux et usage de faux. Elle a en revanche cassé les dispositions civiles qui le condamnaient à rembourser l'intégralité du préjudice subi par la Société générale, soit 4,9 milliards € (une plaisanterie). L’affaire Madoff (50 milliards $) n’aurait jamais existée si les banquiers n’avaient pas joué à la roulette russe avec l’argent de leurs clients. Pertes avouées : Banque Santander 2,33 milliards €, Natixis 450 millions €, BNP Paribas 350 millions €, AXA 100 millions €, Dexia 85 millions €. Crédit Agricole, Groupama et la Société générale 10 millions €... Même le pape François ne fermera pas la banque du Vatican (L’IOR : Institut pour les Œuvres de religion 9 milliards $ d’actifs pour 33.000 comptes et placée en liste noire depuis la faillite d’une filiale, la Banco Ambrosiano en 1982, dont le patron avait été retrouvé pendu sous un pont à Londres). Pourtant, il a failli se faire escroquer plusieurs milliards en faux titres de crédit au porteur en mars 2014.