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3 contributeurs en réseau : tamaris+mitra+lavandou564 - 1ère partie

Notre contribution s’appuie sur un travail universitaire avec un élu régional de premier plan et se décompose en une introduction pour préciser ce dont on parle; puis nous essaierons de voir comment fonctionne le lien entre clientélisme et politique, dans une troisième partie nous analyserons le contexte économique, social et politique que cela suppose, un quatrième point sera consacré aux conséquences du clientélisme en politique, et enfin en forme de conclusion, nous proposerons quelques remèdes à y apporter.

1-De quoi parle-t-on ?
Précisons immédiatement de quoi nous n’allons pas parler. Car les phénomènes de clientélisme ne sont pas tous liés à la politique. Il y a d’autres secteurs d’activités qui connaissent des processus du même type. Je veux parler des grands secteurs d’activités. Economiques et sociaux ou il y a des processus non transparents, ou il y a des processus de réseaux, d’allégeance. Essayez d’avoir une carte de docker sur le port de Marseille, essayez de passer un concours à la sécurité  sociale ou d’être embauché aux Assedic si vos parents n’y sont pas déjà, essayez de rentrer comme brancardier à l’Assistance Publique de Marseille. Comment rentre-t-on dans les grandes entreprises autour de l’Etang de Berre ? 
Essayez simplement d’avoir un emploi pour l’Eté à la Poste ou à France Télécom Il y aurait de belles Etudes à faire dans  ces domaines. Mais la différence entre ces formes de clientélismes et le clientélisme en politique, c’est le contenu l’allégeance. L’allégeance hors du secteur politique est une allégeance intemporelle, dans les structures syndicales ou les grandes entreprises, il s’agit d’une allégeance de l’organisation. Ce n’est pas forcément mieux, c’est parfois beaucoup plus puissant. Alors qu’en politique, c’est une allégeance personnelle, personnalisée, dont la pérennité ne peut se traduire que par l’affiliation. On ne parlera donc pas aujourd’hui du clientélisme hors secteur politique, mais sachons que ça existe.- Par contre nous allons parler du rapport entre le clientélisme et la politique. Précisons d’emblée deux choses. Débord le clientélisme n’est pas une politique. C’en est même le contraire, la négation. Les pratiques clientélistes se moquent des contenus. Gauche et droite, n’a alors pas de sens. Il n’y a pas d’engagement citoyen sur un contenu ou des perspectives. Crest un engagement personnel  d’homme à homme. Précisons ensuite que la quête de l’électeur, c’est la base de la démocratie : on n’arrive pas avec une auréole et le suffrage ne va pas naturellement vers le meilleur, après un intensif débat d’idées. Non, il faut mouiller sa chemise, il faut aller voir les gens, il faut s’intéresser à ce qu’ils vous disent, et ce qu’ils vous disent n’est pas nécessairement ce que vous avez envie de leur dire. Veillons à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Combattre le clientélisme ne doit pas conduire à remettre en cause la démocratie. Il faut donc faire extrêmement attention lorsqu’on raisonne sur ces sujets. Attention aux contradictions entre une vision théorique et la réalité des choses. S’occuper des gens tels qu’ils sont où ils sont n’est jamais dégradant. Et cela n’est pas ensoi du clientélisme
Enfin il s’agit en France d’un phénomène que nous constatons majoritairement dans les collectivités locales. c’est vrai que la décentralisation a créé un effet de souffle à ce qui était jusqu’alors des pratiques considérées comme exotiques. Non pas que çà n’existe pas, mais ça n’avait pas vraiment d’importance vu l’état extrêmement réduit des pouvoirs des politiques locales. De toute façon, ce n’était pas très grave. Mais à partir du moment où on a transféré massivement des moyens financiers et des compétences, on est passé dans un autre espace auquel les esprits ne se sont pas encore habitués et par rapport auquel les dispositifs légaux restent en retard. - Pour terminer cette introduction, disons qu’il s’agit clairement d’un engagement  entre une personne et une autre, chacune étant bien identifiée par l’autre. Et c’est évidemment autour du vote que cela va se jouer. c’est la spécificité du domaine politique, puisque dans une démocratie, c’est le vote qui symbolise celle-ci.

2-Le clientélisme, comment ça marche ?
Le cœur du clientélisme est lié à une campagne électorale. Le plus simple consiste en l’offre classique : "au moment de l’élection, tu votes pour  moi" . Il peut y avoir des variantes plus poussées : par exemple "tu vas afficher pour moi" va venir le problème de la violence du débordement de l’affichage  sauvage en l’absence de tout contrôle de l’affichage légal, problème au sujet duquel il n’y a jusqu’à présent aucun contentieux sérieux dans ce pays ce qui entraine une distorsion grave dans le fonctionnement de la démocratie. Autre exemple : "tu tiens un bureau de vote pour moi", ce qui va poser la question de savoir comment et par qui concrètement sont tenus les bureaux de vote dans notre pays, source de très nombreux contentieux tant les abus y sont fréquents. Mais la contrepartie de l’échange doit préciser tout de suite : 'tu affiches pour moi, tu tiens un bureau de vote pour moi, tu votes pour moi et moi je t’embauche, ou j’embauche ton fils, ta fille, ta femme, ton cousin, ta cousine, quelqu’un dont tu es garant par rapport à moi et qui t’oblige envers moi" . Il est le pacte humain dont j’ai parlé tout à l’heure. Et ce prix, on le paie comptant : il y va du respect de la parole donnée, c’est quelque chose de sérieux. 
L’échange est presque toujours basé sur les moyens d’action qu’offre l’argent public ce qui posera donc la question du format, de l’étendue de la  puissance publique. Les principaux objets de l’échange sont l’emploi public et nécessairement les emplois peu qualifiés. Pour les emplois qualifiés, c’est plus compliqué : il peut y avoir des phénomènes de réseaux mais ce n’est pas de cela dont on parle en ce qui concerne le clientélisme politique. Mais c’est aussi le logement. Emplois et logements ont constitué les deux moyens d’action traditionnels du clientélisme. Il y a un phénomène qui trouve maintenant une nouvelle jeunesse, ce sont les subventions octroyées par les collectivités locales. Crest l‡ que le clientélisme moderne se déploie.- Dans tous les cas, il faut que l’attribution de l’échange soit personnalisée, c’est-à-dire qu’il ne faut pas qu’il y ait un droit. On ne s’adresse pas à un ayant droit, on ne s’adresse pas à un allocataire. " Parce que je le veux, toi tu auras ce que tu me demandes". L’idéal pour que ça fonctionne pleinement est de  sécréter ce type de moyen  d’action. Car l’attribution de l’avantage doit être arbitraire, sinon tout le système s’effondre. On va donc s’employer à rendre la gestion des services publics la plus opaque possible. «ça veut dire que les commissions d’attribution doivent être bidons,  que les décisions mêmes les plus simples doivent devenir aléatoires, que les critères d’objectifs et les Evaluations sont inexistants etc. - Pour bien comprendre comment va se tisser le lien du clientélisme et de la politique, il faut parler en terme d’offre et de demande. L’offre et la demande varient dans le temps. Ainsi, à partir du moment où on a décentralisé, on a multiplié la capacité de l’offre. De son coté, la demande varie aussi dans le temps, dans son contenu, selon les moments et selon les lieux. Trouver une crèche où mettre son enfant, contourner la carte scolaire, avoir rapidement un document administratif quelconque : tout cela, pour peu que les règles soient obscurcies, peut amener chacun à solliciter l’aide d’un  Élu alors qu’il s’agit du  fonctionnement normal d’un service public.

3-Le contexte
- Pour que ça marche, il faut évidemment un contexte économique particulier dans lequel cette notion d’offre et de demande ait du sens. Or dans notre région, , ce sens est très fort car il y a un taux d’emploi, public et surtout privé, bien plus faible que dans les autres grandes agglomérations,  parisienne, lyonnaise,  lilloise, etc. Cela signifie que lorsque vous êtes sur le marché de l’emploi, vous avez beaucoup plus de facilité, parce qu’il y a un tissu économique plus riche, plus fort, à Paris, Lyon, Lille, etc. Mais à l’intérieur même de ce taux d’emploi global plus faible qu’ailleurs, le taux d’emploi public par rapport au secteur privé  est chez nous anormalement important. Nous sommes donc dans un contexte  d’une économie insuffisamment développée au sein de laquelle domine le secteur public.
Prenons la période 1945-1970, la reconstruction. On construit des logements, le plus souvent des logements sociaux, et on crée des écoles, des hôpitaux, des postes, tous les  services liés à la population. Il y a eu  de quoi faire fonctionner le système clientéliste. D’autant plus que dans le même temps la population a augmenté considérablement. …évidemment avec l’arrêt de la progression démographique et la réalisation des principales infrastructures, le système va s’essouffler. Il est devenu difficile d’attribuer un logement social ou d’embaucher même et surtout pour un emploi non qualifié. c’est pour cela qu’aujourd’hui c’est plutôt par le biais de  l’attribution des subventions publiques que le clientélisme trouve une nouvelle jeunesse. Mais un tel contexte économique favorise intrinsèquement les pratiques clientélistes. Allons plus loin en essayant d’éviter toute provocation : observons que certains défendent d’autant plus les services publics que c’est pour eux l’objet même de leur pouvoir clientéliste.  Des questions comme celle du statut public ou privé de la gestion des cantines  scolaires ou celui du ramassage des ordures ménagères sous-tendent  cette problématique. Qui  va recruter les cantinières, les éboueurs ? c’est là un pouvoir, et à partir du moment où on va privatiser, on va  transférer ce pouvoir. 
Attention donc quand on parle de défense du service public à ne pas se retrouver emporté plus loin qu’on ne le souhaiterait et à défendre les pratiques clientélistes. La défense du service public doit donc intégrer ces questions de transparence, d’égalité, bref, tout ce qui vide le clientélisme de ses moyens d’action.- Un environnement social  particulier est aussi nécessaire au développement des pratiques clientélistes : ce système se développe lorsque des communautés fragiles ont besoin d’aide pour s’insérer. Si vous êtes diplômés de l’enseignement supérieur, si vous exercez une profession libérale, ou si vous appartenez à de grands réseaux puissants - syndicats ou autres -vous n’avez pas besoin de solliciter un élu. Mais si vous êtes projetés dans un monde que vous ne connaissez pas bien, le clientélisme est au contraire un système qui va vous tendrela main, à condition que vous soyez français, et plus particulièrement électeur. Les Corses qui connaissaient historiquement ce système l’ont naturellement fait fonctionner au bénéfice de ceux d’entre eux qui devaient  quitter leur île. Par contre si vous êtes un étranger, vous n’intéressez personne. Pour un élu il est très compliqué de s’occuper de quelqu’un qui n’est pas français. Devrai-je dire que ce n’est pas  rentable ? Car tout ce que vous ferez pour des étrangers, même s’il s’agit de mesures évidentes relevant de l’intérêt général ou simplement de l’application de la loi, vous sera reproché par une partie de votre électorat. Par contre une communauté d’origine étrangère, citoyens  français de fraiche date  c’est parfait.
On voit bien comment les Italiens, les Arméniens et aujourd’hui les Maghrébins entre autres ont été et sont partie prenante du système  clientéliste. Il est intéressant  de noter que dans le cas des Maghrébins, le fait qu’on n’ait pas donné le droit de vote aux étrangers plus tôt a retardé leur insertion dans le jeu clientélaire. Il a fallu attendre que la jeune génération se retrouve sur les listes électorales pour que brutalement des élus ouvertement racistes découvrent tout à coup  que des noms à consonance maghrébine devenaient un électorat  intéressant.
Déjà aux Etats Unis  dans les années soixante, le gouverneur Wallace s’opposait de toutes ses forces à la reconnaissance des droits civiques des Noirs en Alabama. Mais lorsque ceci devint obligatoire et que les Noirs constituèrent la majorité de ses électeurs, tout  à coup il revendiqua lui aussi sans vergogne d’être l’élu des Noirs. Dans notre région aussi nous avons pu ces derniers temps assister à ces pitoyables contorsions. c’est qu’il en allait pour les élus clientélistes de leur survie. Mais cet effort de leur part ne fut pas vain puisque ceux qui les sollicitaient venaient justement de pays où  ces pratiques sont la règle  générale. Comme en plus les solliciteurs prétendaient parler "au nom de leur communauté", alors le système devenait franchement rentable. Une seule subvention accordée à  telle association intégriste générait le vote unanime de gens qu’on ne voyait jamais. On a pu alors entendre de la part de ceux qui renouaient ainsi avec les bonnes vieilles pratiques coloniales, que  leur clientélisme était une forme d’intégration Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse
 Enfin, un contexte politique est nécessaire pour que les liens entre  la politique et le clientélisme fonctionnent pleinement. Il faut à cet égard parler rapidement des modes de scrutin. Dès lors qu’il s’agit d’un engagement d’homme à homme il faut un mode de scrutin uninominal. En outre il faut une base géographique petite. Quand c’est grand, on n’y arrivera plus. Physiquement, ça devient impossible de serrer toutes les mains tous les jours. Et puis s’il y a peu d’électeurs, il n’y a pas de compte de campagne, donc on peut dépenser l’argent de la collectivité qu’on contrôle, on n’aura pas à en justifier. c’est ainsi que certains arrivent à des élections triomphales. Enfin il faut le plus possible déconnecter  le mode de scrutin de tout contenu politique.
A l'aune de ces trois critères, on comprend que le contexte politique idéal du clientélisme est celui des conseils généraux. Pour eux il y a d’ailleurs une sécurité supplémentaire pour la bonne marche des choses : on ne vote pas au même moment pour l’ensemble de l’assemblée départementale. Celle-ci n’est renouvelée que par moitié. Ainsi tout est fait pour que personne n’y comprenne rien. Et comme le découpage territorial par canton est par nature arbitraire, le citoyen de base arrive très difficilement à comprendre qu’il y a une élection cantonale chez lui mais pas de l’autre côté de sa rue ou inversement et que cette élection peut déterminer le contenu d’une politique. Ainsi le lien d’homme à homme peut avoir une place prépondérante. Ce système favorise naturellement une certaine classe politique où l’individu - homme ou femme -  fait campagne en disant : "je vous demande de voter pour moi car vous savez tous les services que j’ai rendus, à vous-mêmes ou à votre famille. Je vous les rappelle d’ailleurs gentiment. Cela témoigne de ma capacité à poursuivre dans l’avenir". Il n’y a aucun contenu politique. Ce serait contre-productif. Les concepts de droite ou de gauche sont totalement artificiels. On les utilise par commodité. On peut même se réclamer d’une "politique de proximité", au-delà des clivages politiques. c’est dans l’air du temps. Cette dérive politique ne concerne pas les seuls conseils généraux, car le cumul des mandats favorise la contamination. 
Prenons l’exemple du conseil régional : pour des pratiques clientélistes directes c’est un espace en soi trop grand. c’est pourquoi il n’est souvent vécu par les conseillers régionaux que comme un tiroir-caisse, pour alimenter autre chose, un autre mandat, de maire, de conseiller général ou de député, celui auquel on tient le plus. Concrètement les choses se passent ainsi : je suis élu de telle commune, ou de tel canton, ou de telle circonscription législative, mais je n’y ai pas assez de possibilité de distribution. Je me fais donc élire au Conseil régional, grâce uniquement à mon poids dans l’appareil de mon parti. Une fois élu, j’ai des moyens et j’arrose l’autre territoire, celui où je suis personnellement identifié comme bienfaiteur.  Le conseil régional est ainsi devenu la réserve de puissance des clientélismes locaux. On en est là aujourd’hui…
Suite de la contribution en cours de rédaction
 

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